7-9 janv. 2015 Villeneuve d'Ascq (France)

Espace des résumés > Par auteur > Godrie Baptiste

La professionnalisation des pairs aidants au prisme du projet Chez Soi Montréal
Baptiste Godrie  1@  
1 : Centre de recherche de Montréal sur les inégalités sociales, les discriminations et les pratiques alternatives de citoyenneté  (CREMIS)  -  Site web

Dès 1976, Borkman analyse ce qu'elle définit comme une tension entre le savoir d'expérience, qui est holistique, et le savoir professionnel, qui tend à être spécialisé. Plus les pairs aidants se professionnaliseraient, plus ils se spécialiseraient, perdant ainsi l'approche globale et l'attention au quotidien des participants qui les caractérisent. Ce raisonnement fait écho aux craintes de distanciation et de perte d'authenticité de leur savoir par rapport au savoir d'expérience, affectant la relation d'entraide qui se développerait dans le partage et la réciprocité entre pairs (Stickley, 2006 ; Girard et al., 2010 ; Repper et Carter, 2011 ; Faulkner et Basset, 2012). Par ailleurs, la professionnalisation est présentée dans plusieurs articles comme un processus incontournable aux yeux de certains intervenants afin que les pairs aidants gagnent leurs galons d'intervenants professionnels ayant un recul suffisant par rapport à leur expérience (McLean et al., 2009 ; O'Hagan et al., 2010 ; Walker et Bryant, 2013).

Cette intervention vise à clarifier certains des enjeux entourant cette controverse sur la professionnalisation des pairs aidants en répondant au questionnement suivant : quels sont les processus d'intégration des pairs aidants à l'œuvre dans le projet Chez Soi Montréal (2009-2013) et leur rôle spécifique en tant qu'intervenants ? Sur la base des données recueillies dans le projet Chez Soi – un projet de recherche et d'intervention de type Logement d'abord dans le domaine de la santé mentale – auprès de trois pairs aidants et de leurs collègues de trois équipes cliniques de suivi intensif et de suivi d'intensité variable, nous distinguons trois processus d'intégration des pairs dans les équipes.

Ces processus, qui sont souvent confondus dans la littérature, accordent chacun un statut particulier aux pairs et à leur savoir. Ils se déroulent en parallèle et entrent en tension tout au long du projet. Tout d'abord, en vertu de leur proximité expérientielle avec les participants, les pairs sont des intermédiaires qui facilitent le rapprochement des cliniciens de l'expérience des usagers. Dans cette perspective, le savoir des pairs permet aux professionnels d'obtenir des renseignements plus précis sur les participants du projet et d'optimiser les pratiques mises en place. Avec le temps, les pairs aidants acquièrent une expérience professionnelle et les interviewés se réfèrent à eux comme à des intervenants ayant ou pouvant avoir, à terme, les mêmes compétences qu'eux. Ce deuxième processus d'intégration tend à reproduire les manières de faire existantes et à réduire l'apport spécifique des pairs aidants dans l'intervention. Un troisième cas de figure correspond à la situation dans laquelle les pairs sont considérés comme des intervenants avec une posture d'intervention distincte de celle de leurs collègues, contribuant à stimuler la réflexion sur les pratiques en vigueur et à la co-construction des pratiques novatrices d'intervention.


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